
Le vote blanc a des causes multiples. Certaines d’ordre (pré)visiblement protestataire, les électeurs (et tribuns) en colère permanente ou plus conjoncturelle devant bien s’exprimer. D’autres sont plus inquiétantes, l’abstentionnisme reflétant un malaise réel, voire des idées noires.

Le phénomène n’est pas négligeable, ne serait-ce que parce que le bilan carbone du vote blanc doit être assez considérable entre le carburant dépensé par les citoyens « électeurs » pour se rendre au bureau de vote, le pro-rata imputable aux votes blancs de l’intendance déployée pour l’organisation de la campagne électorale, le papier gaspillé pour les enveloppes et bulletins et l’empreinte écologique de toute l’énergie dépensée pour analyser et commenter le vote blanc.

La tentation du vote blanc se comprend facilement si on analyse la politique comme une activité économique avec des marques plus ou moins connues, des produits plus ou moins nouveaux et compétitifs, une com’ plus ou moins efficace avec ou sans effet « vu à la télé », et des consommateurs libres ou au moins à fidélité variable envers les marques et les produits. Dont certains sont même prêts à renoncer purement et simplement à certains types de produits comme on arrête de sucrer ses fraises ou son café ou de fumer malgré la pression sociale sur les terrasses des bistrots où être non-fumeur expose à des regards graves. Voire à ne jamais commencer à consommer, un peu comme pas mal de djeuns n’envisagent pas de jamais conduire, encore moins d’acheter une voiture.

Le danger pour une certaine idée de la démocratie durable, c’est que la tendance « no logo », qui peut provenir de motifs un peu philosophiques (genre post-contestationnisme, néo-locaconsumérisme ou rebellitude généralisée) ou plus pragmatiques (genre chômisme ne permettant plus trop de s’offrir des marques ou simple analyse des rapports qualité-prix), est certainement reliée à d’autres évolutions, par un simple phénomène de vases communicants comme on les étudiait à l’école avant les maths modernes, par exemple au reflux tsunamesque du vote « contestato-environnementaliste » qui a fini « juste » au-dessus de 2% malgré une grande marque, un produit de qualité et une com’ bruyante, sinon toujours très enthousiasmante.

Ce qui est préoccupant, c’est que cette poussée blanche ne vient pas que du petit malaise vagal du « green », mais aussi de clapotis pas tous négligeables depuis des coins de toutes sortes de nuances du « Pantone » de la politique gauloise telle qu’elle est depuis qu’on a coupé les fleurs de lys du drapeau banc (ce qui peut expliquer en partie, voire partis, pourquoi on perd toutes les guerres depuis, mais c’est une autre histoire et toutes les guerres ne sont pas toutes à gagner, pas à avec ou contre n’importe qui, pas n’importe comment, pas n’importe quand, de toute façon. A part les guerres économiques qu’il vaudrait quand même mieux ne pas foirer dans les grandes largeurs comme en 40 en hésitant entre récréation, capitulation, collaboration et toussa-touça, mais c’est encore une autre histoire, ou pas …) : rouge plus ou moins vif, noir plus ou moins poussiéreux, orange plus ou moins tiède, bleu plus ou moins passé, rose plus ou moins intense, et touça-toussa.

Le danger pour la crédibilité des instituts de sondage et autres prestataires de services d’aide au développement démocratique, c’est qu’il est difficile d’estimer le taux de transformation de l’intention de vote blanc en autre chose dans le silence de l’isoloir. On a plutôt tendance à intuiter une propension à voter pour le changement selon l’air du temps du moment, par esprit de contradiction contre l’ordre plus ou moins établi et parce que les communicants d’un bord sont plutôt plus en forme que ceux de l’autre (question éléments de langage avec supplément d’âme européen, il n’y a pas photo : le « pacte de responsabilité et de croissance », ça fait plus rêver les indécis de saison et autres dubitatifs chroniques que le « renforcement du mécanisme de stabilité ». C’est un peu comme en 40, certains croyaient encore au pacte avec les Soviets mais même les plus oldschool avaient compris que la ligne Maginot avait du plomb dans les deux ailes), mais c’est très incertain et aussi difficile à (pré)voir qu’une panthère dans la jungle.

Quoi qu’il en soit, le vote blanc semble durablement installé sous le soleil de France, sur un terrain un peu vague mais bien au chaud entre les deux couleurs politiques démocratiquement dominantes.
Même si son avenir peut être plus ou moins prometteur, selon le devenir de la mode du (vote) néo-rétro et de l’offre sinon de nouvelles marques ou de produits vraiment nouveaux, du développement de la tendance …au repackaging, voire au « whitewashing » souriant comme on disait du « greenwashing » avant que le vert ne passe complètement de mode (comme l’ours blanc chez les verts, mais c’est un autre sujet, ou pas).

Cette petite fixette pour le blanc qui vote plus blanc que blanc, nuance au moins aussi nul que nul, tendance deux bulletins pour le prix d’un et bons pour les élections suivantes en cadeau dans le paquet de lessive, n’empêchera pas la France de foncer, plus ou moins au galop, plus ou moins en louvoyant, plus ou moins en souriant, telle qu’elle va avec le monde réel du XXIè siècle. Que ses votes soient (plus ou moins) nuls, (un peu) surprenants, (un rien) abracadabrantesques, ou pas.

Ceci écrit, le goût pour le cocktail « idées noires et vote blanc » est quand même assez sombrement gothique : il faudrait quand même vérifier si ça fait un peu de buzz sérieux ou juste un pschitt paresseux sur Twitter. Pour voir si c’est juste une coïncidence, cette tentation du vote également nul chez des gens qui ont l’air si … différent (non, il n’y a pas de « s », c’est comme pour les (dé)goûts et couleurs, les (dés)accords, ça ne se discute pas). Pour confirmer que le vote blanc peut laisser indifférent.

Les éléments de langage ont 1 sens : bravo aux communicants du « pacte de responsabilité & croissance » vs « renfort du mécanisme de stabilité »
Bref, le vote blanc tente principalement le FN, quelques protestataires ambigus et les abstentionniste du 1er tour pour la présidentielle ?
Nathalie Arthaud vote blanc après 5 ans de Sarkozy alors qu’Arlette votait Royal pour lui faire obstacle. Cherchez l’erreur. Retweeted by Renaud Favier
Quelle stratégie en cas de second tour FN-PS aux législatives ? Sarko répond que ça sera « au cas par cas. Vote blanc ou abstention » #dpda Retweeted by Renaud Favier
Bonjour tout le monde! Tasse de thé, messe et après vote! N’oubliez pas que voter blanc ne sert à l’heure actuelle strictement à rien. Retweeted by Renaud Favier
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En attendant le prochain dimanche de vote, qu’on soit amateur de « blanc » ou pas, ça ne peut pas être mauvais de e-lire quelques eBooks parlant (entre autres) de développement démocratique durable (mais pouvant contenir des traces d’humour), sur http://www.youscribe.com/renaudfavier/, d’aller surfer un peu sur un blog qui parle politique sans se prendre au sérieux http://renaudfavier.com/ ou de passer “liker” un café qui ne prend pas la tête avec des certitudes sur les élections en France, des avis définitifs sur le football en France et des commentaires politiques sur la météo en France (et « pas que » des angoisses sur la crise non plus) sur http://www.facebook.com/cafe.matin.paris.
RF 28 avril 2012.
